Délégué des jésuites d’Europe pour la transition écologique, prêtre et chef de projet à l’écocentre spirituel du Châtelard à Lyon, il est co-auteur avec Cécile Renouard – du campus de la transition écologique – du livre «  Rouvrir l’horizon  – Manifeste d’espérance engagée face aux effondrements« , Editions Emmanuel, 2023. Invité par le lycée général, agricole et forestier Le Nivot, France, tour d’horizon en sa compagnie, avec une parole libre et directe.

  1. Le campus de la transition écologique sur lequel vous avez vécu durant deux ans, c’est quoi ?

« Il s’agit d’un écolieu et d’un écocampus qui fonctionne en écoréseau. Il développe une pédagogie liant la tête, le corps et le cœur pour explorer les questions de transition écologique et sociale en accueillant chercheurs et étudiants notamment des grandes écoles. Il se situe à Forges, en Seine-et-Marne, entre l’Ile-de-France et la Bourgogne, dans une propriété prêtée par les religieuses de l’Assomption, congrégation à laquelle appartient Cécile Renouard, qui est une des pionnières à l’origine du campus. Enfin, c’est un campus universitaire et laïc qui s’est concrétisé en deux ans. Sur place les croyances de chacun sont vécues dans la sphère privée.

  1. Cet écocampus fonctionne depuis 5 ans, quel bilan faites-vous ?

Ce qui se distingue clairement, depuis l’ouverture en 2018, c’est l’importance de l’expérience en essayant concrètement de mener une vie sobre et heureuse, aussi bien avec les mains dans le potager que lors des temps de météo intérieure et de réflexion. Il existe une grande attente à ce sujet et le bon discernement qui a eu lieu au départ amène aujourd’hui à porter des fruits qui dépassent les attentes. Par exemple, une année après l’ouverture de cet écocampus, Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche à l’époque a missionné le collectif de chercheurs pour écrire un livre blanc appelé à devenir le socle commun des licences en transition écologique.

  1. Pour quelles raisons les jésuites sont-ils investis dans ce domaine de la transition écologique ?

En regardant la situation du monde, suite au texte du pape « Laudato si » et des orientations définies par la Compagnie, nous avons voulu avancer vers des lieux où travailler avec d’autres à la sauvegarde de la maison commune, en alliant expérience et éducation sur des terrains pertinents.

  1. Qu’est-ce que cette expérience a changé concrètement dans vos manières de vivre ? J’ai découvert la saveur de la cuisine végétarienne ! Je ne suis pas végan à 100 % mais nous pouvons manger bon, sain et varié de cette manière. Et nous avions une cuisinière qui confectionnait et apprenait à réaliser des repas merveilleux ! L’autre trésor profond c’est que le campus de la transition demeure ma ruche écologique avec des contacts, de grandes amitiés et un écosystème. C’est un cœur très précieux.

    « Cette crise écologique et sociale met en crise existentielle bien des gens en Occident ».

  1. Dans l’ouvrage « Rouvrir l’horizon » vous estimez que c’est le moment favorable aujourd’hui pour agir, pourquoi ?

Nous sentons tous, suite aux différents événements vécus directement dans notre quotidien ces derniers temps – incendies, tempêtes, pénurie de ressources en eau, fréquences des événements climatiques…- que c’est le moment d’agir pour modifier cet état des lieux avant que les conséquences ne deviennent trop graves. C’est précisément ce que souligne le pape François dans Laudate deum -la suite de Laudato si- et nous pouvons agir !

Du point de vue chrétien, nous vivons un moment particulier. Cette crise écologique et sociale met en crise existentielle bien des gens en Occident pour qui la dimension spirituelle de l’existence avait disparu dans le matérialisme ambiant. La vie ça allait plutôt bien pour certains et cette nouvelle situation vient réveiller des questions sur le sens du passage sur cette terre.

La bonne nouvelle dans une lecture chrétienne des événements c’est que l’Esprit travaille dans les cœurs de manière bien plus large que les seuls cercles chrétiens. Deux questions se posent alors : comment nous mettons-nous en route et comment rejoignons-nous les personnes sur ces chemins ?

  1. L’Eglise vit également une situation de transition, comment vivez-vous cette évolution ?

Nous sommes clairement dans un changement d’époque, comme si nous passions du Moyen-âge à la Renaissance. Autrement dit nous avons à exprimer le trésor de l’Eglise de façons nouvelles, à le redécouvrir, à le proposer différemment.

Savons-nous vers quoi nous allons ? Pour une bonne part non, mais nous avons à faire chemin ensemble, c’est le sens de la « synodalité » : marcher ensemble. Cela sans savoir où cela nous mène, mais cette méthode est bonne. Ce n’est pas facile, mais nous y allons ! L’important est de ne pas être centrés sur nous-mêmes. L’autre danger est que nos réalités minoritaires chrétiennes amènent des tentations communautaristes.

« Savons-nous vers quoi nous allons ? Pour une bonne part non, mais nous avons à faire chemin ensemble » souligne Xavier de Bénazé, s.j.

  1. L’on parle de crise des vocations depuis 50 ans, qu’est-ce que cela vous inspire aujourd’hui dans ce moment de l’histoire ?

De fait la crise dure et l’effondrement catholique est une réalité en Occident. En rapport avec le nombre de pratiquants et de chrétiens, le faible pourcentage de vocations est assez cohérent relié à ces chiffres.

Être obnubilé par le nombre de prêtres, de religieux, religieuses c’est se tromper de combat. Oui nous avons besoin de vocations, mais elles naissent surtout avec des chrétiens engagés. Bien sûr cela nous tient à cœur d’avoir des vocations, cela est lié à notre manière de vivre l’Eglise, c’est-à-dire d’être missionnaires auprès des gens autour de nous. Les vocations sont d’abord liées à cela.

  1. Vous êtes en contact avec des jeunes et des jeunes adultes, qu’avez-vous envie de leur dire et qu’attendez-vous d’eux au sujet de la transition écologique ?

Je n’attends pas d’abord quelque chose des jeunes mais des personnes en responsabilité afin qu’elles travaillent à changer le système économique de production. La crise, nous la vivons aujourd’hui et ce n’est pas quand les jeunes seront aux manettes qu’il faudra agir, c’est maintenant !

Naturellement, j’ai beaucoup d’espoir dans les jeunes mais j’attends surtout de la génération au pouvoir qu’elle permette aux jeunes d’inventer un avenir qui ne consistera pas à gérer le manque de ressources.

Quant aux jeunes, j’attends qu’ils s’engagent sans attendre plus tard et qu’ils soient prêts à exercer une simplicité de vie et une manière d’être en relation pour incarner ce monde à construire.

Dans l’Eglise, j’attends des jeunes qu’ils structurent leurs paroles et qu’ils s’organisent pour participer au chemin synodal, c’est-à-dire pour marcher tous ensemble. Dans notre société vieillissante il existe une fascination pour la jeunesse. Dès que certains d’entre eux prennent la parole cela peut vite devenir parole d’évangile. Sachons garder la mesure et les aider à se structurer pour porter une parole. Ils seront beaucoup plus écoutés de cette façon. Et ils ont déjà les outils en main : par exemple avec le mouvement réveil écologique, le plaidoyer pour la forêt, l’action lutte et contemplation, le mouvement des scouts et Guides de France accueillant la diversité des milieux et tant d’autres initiatives ! J’ai beaucoup d’espoir dans cette parole accompagnée. »

« J’ai beaucoup d’espoir dans les jeunes mais j’attends surtout de la génération au pouvoir qu’elle permette aux jeunes d’inventer un avenir qui ne consistera pas à gérer le manque de ressources ».

Recueilli par Michel Tanguy

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https://www.youtube.com/watch?v=Ng_o0JVV9x8

Les conseils éco-spi de Xavier de Bénazé sur France 2 Jour du seigneur

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