Mois après mois… il y a 200 ans :

Décembre 1820 : Gabriel Deshayes devient Assistant du Père Duchesne, Supérieur général des Montfortains.

Le 30 avril 1812, le Père Deshayes et le Père Duchesne, supérieur général des Pères Montfortains, signaient à Saint-Laurent-sur-Sèvre un traité qui confiait aux Filles de la Sagesse l’éducation des sourds-muets, à la Chartreuse d’Auray. C’est le début d’une collaboration de plus en plus étroite entre les deux prêtres.

En 1820, la Compagnie de Marie ne compte que 7 membres ; elle vient de perdre un sujet de valeur, le P. Couperie promu au siège épiscopal de Babylone. La santé du Père Duchesne est de plus en plus précaire. Conscient de la gravité de son état, il propose à ses missionnaires de « s’agréger l’abbé Deshayes ». Tous donnent leur accord.

On ne connaît pas exactement les circonstances dans lesquelles le Père Duchesne fit connaître son intention au Père Deshayes, mais on sait que ce dernier se rendit à Saint-Laurent-sur-Sèvre en novembre 1820. Avant de donner son accord, il estima nécessaire de consulter son évêque. Avec un grand esprit de foi et de désintéressement, Mgr  de Bruc lui répondit : «  Si je considère les intérêts de mon diocèse, je dois vous dire : restez ; mais si j’envisage le bien général de la religion, je dois vous dire : partez ».

Le 20 décembre, le Père Duchesne mourait. Le 12 janvier 1821, les missionnaires élisent le Père Deshayes comme supérieur général de la Société. À 54 ans, une nouvelle mission s’ouvrait pour lui.


Novembre 1820 : les ouvertures d’écoles du Père Deshayes en 1820

En 1820, outre les aides accordées au Père de la Mennais pour les ouvertures d’écoles dans les Côtes d’Armor, Gabriel Deshayes ouvrit à son propre compte quatre nouvelles écoles, dont une seule dans le Morbihan, à Pluvigner, non loin d’Auray. Les trois autres :Tinténiac, Trans et Corps-Nuds se situent en Ille-et-Vilaine.

C’est le frère Jean Le Mouroux qui ouvrit l’école de Pluvigner et la dirigea pendant quatre ans. Son successeur fut le frère Théodose Stéphan.

À Tinténiac, le nouveau curé, l’abbé Courvaisier, trouve une école en triste état, confiée à une « tête mal organisée chez un homme sujet à s’enivrer ». Il veut le remplacer. C’est l’abbé Couédro, son voisin, curé de Montauban, qui lui signale le noviciat d’Auray. Le frère Julien Kerdavid, 18 ans à peine, arrive à Tinténiac en septembre 1820. Le succès est immédiat. Le jeune maître s’impose à ses nombreux écoliers : 90, signale un rapport de 1820. Aussi, trois ans plus tard, le Père de la Mennais n’hésitera pas à lui confier l’importante école de Saint-Servan.

À Trans et Corps-Nuds, les débuts sont plus modestes et les frères quitteront ces communes en 1832 et 1831 respectivement. (E.M. 9, p 56-61)


11 octobre 1820 : les Filles de la Providence s’installent rue du Ruisseau-Josse, aujourd’hui Charles Le Maout

Le premier octobre 1817, les demoiselles Cartel, Connan et Chaplain associées à Mlle Bagot louèrent, rue de la Grenouillère, une maison pour y élever des orphelines. Pour les occuper, Mlle Cartel s’avisa de leur apprendre à lire, écrire et compter. Bientôt, leur nombre s’accrut et des externes vinrent se joindre aux premières recrues, de sorte que l’établissement changea de nature et devint une véritable école. C’est alors que Mlle Bagot les quitta pour s’occuper uniquement des orphelines. Devant l’accroissement du nombre d’élèves, il fallut trouver de nouveaux locaux. L’œuvre émigra rue Fardel, puis rue Quinquaine, où l’on compta bientôt plus de 400 élèves. Il fallait encore déménager.

Depuis un certain temps, le Père de la Mennais projetait d’acquérir l’ancienne propriété des Ursulines, située rue du Ruisseau-Josse ; il n’en avait pas les moyens. Il se décida, une nouvelle fois, à faire appel à la générosité de M. Jacques Sébert et de sa sœur Antoinette. L’achat se fait le 19 juin 1820 et les Filles de la Providence s’y installèrent le 11 octobre. L’institution fut connue désormais sous le nom de la Providence. Elle abritait, outre un établissement scolaire florissant, l’administration générale et le noviciat de la congrégation

Aujourd’hui, la Providence et l’école Saint-Charles ont fusionné. Les écoles maternelle et primaire restent sur le lieu de fondation.


Du 9 au 15 septembre 1820 : la « grande retraite d’Auray »

Le frère Hippolyte Morin, dans ses souvenirs, donne un récit très circonstancié de cette retraite que l’on peut considérer comme fondatrice.

L’année 1820 s’ouvrit pour les deux Noviciats avec l’espoir de se trouver nombreux à la prochaine retraite qui devait avoir lieu à Auray au commencement de Septembre comme les autres années.  Nous attendions avec une sorte d’impatience l’époque tant désirée; elle arriva enfin, et il nous fut donné de voir réunis les enfants des deux berceaux de la petite société, pour ne faire, suivant l’expression de nos Fondateurs qu’une seule et même famille.  Nous étions une cinquantaine. (NB : le frère Augustin parle d’environ 40, chiffre sans doute plus près de la réalité).Il n’en reste que 13 au moment où j’écris ces lignes.

La retraite s’ouvrit le 9 Septembre, au Père Éternel, sous la direction des deux Supérieurs qui ce jour nous nommèrent Frères de l’Instruction Chrétienne, et nous donnèrent pour devise ces deux mots si expressifs, et que M. Boudon répétait si souvent, avec effusion de coeur, Dieu seul !

C’est à cette retraite que fut publiée la Règle : notre Père de la Mennais la lisait, et nous l’écoutions avec la plus grande attention. On fit plusieurs copies de la Règle, afin que l’on pût en avoir un exemplaire dans chaque établissement. C’est à la fin de cette retraite que furent prononcés les premiers voeux et qu’eut lieu la première cérémonie de prise d’habit. Je me souviendrai toujours que j’eus le bonheur d’en faire partie.  Ces premiers voeux furent d’un an. (Le frère Augustin précise qu’il s’agissait du seul vœu d’obéissance).

Enfin, les adieux se firent, et l’on se sépara. Nos frères de St Brieuc, et notre père De la Mennais à leur tête, s’en retournèrent par la route de Baud, en passant par Pluvigner; nos autres frères se dirigèrent vers leurs établissements respectifs. Quant à nous, nous nous en retournâmes par la Chartreuse que nous visitâmes. Après la visite de cette communauté, nous retournâmes à Auray, et le petit Noviciat rentra dans sa solitude.

Présent lui aussi, Féli de la Mennais assista à tous les exercices dans une stalle de la chapelle. (Voir Crosnier II, p 153). À cette époque, Féli résidait à Saint-Brieuc avec son frère Jean qui a dû l’inviter à le suivre à Auray. Il a fait le voyage à cheval. (Correspondance de Féli, L 584)


Août 1820 : mission de Guingamp

Nous devons au frère Victor Gautier qui dirigea l’école de Guingamp de1825 jusqu’en 1861, date de sa mort, une relation de la mission de 1820. « Guingamp était tombé dans une grande apathie religieuse. M. Le Guyader, curé, pensa qu’une mission était l’unique moyen de réveiller la foi du peuple. La mission commença le 15 août 1820 et elle régénéra l’esprit de la population : l’école chrétienne fut le fruit et le souvenir de cette mission. ». (EM11, p 27)

Mgr Laveille place à Guingamp cet épisode qui illustre l’éloquence du Père. «  À l’heure du sermon, le prédicateur ne peut se frayer un passage jusqu’à la chaire. Jetant les yeux vers le bas de la nef, il aperçoit sur la place, à l’entrée de l’église, une foule compacte de bourgeois et de paysans, de femmes de toutes classes, de jeunes gens et d’enfants, qui semblent l’implorer du regard. Aussitôt il sort et va se poster près de la fontaine publique […] On élève à la hâte une estrade rustique et c’est du  haut de cette chaire qu’il donne son premier sermon… » (Laveille, tome 1, p 260)

On comprend, après un tel succès, que la souscription rapporta la somme de 4 à 5000 francs, qui couvrit amplement les premiers frais de fondation de l’école.


Juillet 1820 : parution du deuxième tome de l’Essai sur l’Indifférence

Féli est devenu célèbre en Europe avec la publication, en 1817, du premier volume de son « Essai sur l’indifférence en matière de religion ». Ce premier volume fut un triomphe. Tiré à 13000 exemplaires, il faut aussi traduit en anglais, hollandais, italien, espagnol et allemand.

En revanche, quand paraît le second tome, début juillet 1820, il en va autrement. Certes, les louanges et les approbations ne manquent pas (l’abbé Rohbacher et Mgr Lambruchini, par exemple), mais l’auteur est plus sensible aux critiques violentes qui fusent de toutes parts, même s’il assure qu’il s’y attendait inévitablement. Il se déclare prêt à une confrontation directe de ses idées, mais en même temps, son système de défense est facile : « Ils n’entendent pas un mot de ce que j’ai dit » (Correspondance de Féli, L563). Plus tard, le 9 novembre, il revient sur la polémique auprès de son ami intime, Benoît d’Azy. « Il y a eu bien de mauvaise foi en quelques-uns de mes adversaires. Que l’on ne comprenne pas, ou que l’on n’approuve pas, cela est tout simple, mais il ne faut pas faire dire à un homme le contraire de ce qu’il dit formellement. Au reste, les esprits reviennent. Au commencement, je ne recevais guère que des objections ; maintenant on m’envoie de toutes parts des justifications. Le temps fera le reste. » (L 603)

Hélas ! quinze a ns plus tard, le verdict de Rome sera cruel et sans appel. Le système philosophique du « sens commun », poussé dans ses derniers retranchements, était condamné.


Juin 1820 : long séjour de Féli à Saint-Brieuc

Après deux mois passés à la Chesnaie du 4 janvier au 9 mars, Féli a rejoint son domicile de Passy où il met la dernière main au second tome de l’Essai sur l’indifférence. Il ne fréquente Paris que le dimanche et se plaint auprès de son frère d’âme, Benoît d’Azy : «  J’ai besoin de retraite, de repos et d’obscurité. À Paris, on ne trouve rien de tout cela. » La Préface de son ouvrage pratiquement terminée, il rejoint son frère à Saint-Brieuc au 1er juin et y séjournera six mois jusqu’au 8 janvier 1821, en incluant les mois d’été passés à la Chesnaie. Il espère l’associer à son propre travail et s’en ouvre au baron de Vitrolles : « Je prévois que mon frère sera bientôt contraint de se retirer, et jusqu’à ce qu’il ait pu sagement prendre un parti, je ne puis prendre aucun moi-même, ayant l’un et l’autre le désir de vivre ensemble. »

Cherche-t-il à s’installer définitivement en Bretagne ? Ce qui est sûr, c’est qu’il est à la recherche d’une occasion. Par un intermédiaire (Joseph Cor) il a jeté un premier dévolu sur Trémigon, en Combourg, mais les prétentions financières du propriétaire lui paraissent exorbitantes (février). Il parle alors d’un autre projet : une petite maison avec une petite chapelle et une petite ferme, en bord de mer, au Rosaire, près de Saint-Brieuc. Grevée d’hypothèques, cette maison s’avère invendable. (mai). Puis, toujours en baie de Saint-Brieuc, un ancien château, grand et bien réparé avec de beaux jardins et un bois de huit arpents sur un coteau, le long de la mer, le fait rêver. (fin juin). C’était la propriété de Saint-Ilan. Malheureusement, le propriétaire est encore trop gourmand sur le prix. Nous savons qu’il reviendra à son premier choix et achètera Trémigon qu’il cèdera, quelques années plus tard, à son beau-frère Ange Blaize de Maisonneuve. (Correspondance générale de Féli, Lettres 512, 537, 543, 546, 548 et de Jean, L 940)


Mai 1820 : la bataille de l’école mutuelle continue. Nouvelles écoles en Côtes d’Armor

Un an et demi après l’ouverture de l’école mutuelle de Saint-Brieuc et de l’école des Frères de La Salle, la bataille scolaire continue. En effet, M. Rémond, le directeur de l’école mutuelle est un homme très capable et entreprend de former de nouveaux maîtres à sa méthode pour les écoles mutuelles du département.

M. de la Mennais ne reste pas inactif. En janvier, il a appelé au noviciat de la rue Notre-Dame le frère Paul Guyot. Début mai, il enlève le frère André Labousse de Dinan pour le seconder, ce qui lui permet d’annexer au noviciat une école primaire à deux classes et d’accueillir les enfants que les Frères de la Salle ne peuvent recevoir. De plus, à Plérin, maire et curé font l’impossible pour obtenir un frère et ouvrent, quinze jours plus tard, aux portes de Saint-Brieuc, une école confiée la première année au frère Simon Le Goff, puis l’année suivante au frère Michel Tréhen. L’effectif atteindra rapidement la centaine d’élèves.

Sur Saint-Brieuc, les partisans de l’école mutuelle se hâtent de construire une nouvelle salle. Capable de recevoir 400 élèves, elle ne peut s’ouvrir que le 20 décembre et ne dépassera pas les 170 élèves. Le Père de la Mennais les a devancés : il totalise plus de 500 élèves en comptant les 280 enfants des Frères de la Salle, les 120 de la rue Notre-Dame et la centaine de Plérin. Lamballe et Guingamp (en septembre) verront aussi s’ouvrir une école de frères pour concurrencer l’école mutuelle. Pour Plouguernével, la problématique est différente. L’ancien séminaire est racheté en mars 1820 par le Père de la Mennais au nom du diocèse. L’évêque veut y établir un collège ecclésiastique. En attendant les agrandissements nécessaires, deux frères (FFr. Adrien Simon et Alain Coursin) y sont nommés. L’école atteindra les 120 élèves en 1822. (Cf EM 11, pages 19 à 32 ; CG II, L 930)


Avril 1820 : Mlle Amable Chenu et les Filles du Cœur de Marie

Une lettre du 8 avril à Amable Chenu dont il est le directeur spirituel nous rappelle les liens du Père de la Mennais avec la Société du Cœur de Marie. Il est l’un des membres de la société d’hommes fondée par le Père de Clorivière. Il continue à assurer la direction spirituelle du groupe des sociétaires de Saint-Malo dont Amable Chenu est la supérieure.

À Saint-Brieuc, Mlles Cartel, Conan et Chaplain ont fait leur noviciat et prononcé leurs vœux, le 15 août 1819, conformément aux constitutions de la Société des Filles du Cœur de Marie. Mais les essais de Mgr de la Romagère de s’immiscer dans les affaires intérieures de la communauté de la Providence inspirent à M. de la Mennais le projet de l’ériger en congrégation religieuse indépendante. Il en avertit Mme de Saisseval, Supérieure générale des Filles du Cœur de Marie, le 29 janvier 1821. Dès le 25 mars suivant, les Filles de la Providence prononcent leurs premiers vœux dans la nouvelle congrégation. Les constitutions restent celles de la Société des Filles du Cœur de Marie auxquelles le Père de la Mennais ajoute un directoire spécial. Les Règles définitives seront imprimées en 1833. (CG II, L 929, 950, 951)


Mars 1820 : le souci, toujours présent, du patrimoine immobilier du diocèse

Durant les cinq années passées à Saint-Brieuc comme vicaire capitulaire, le Père de la Mennais n’a cessé de réclamer au gouvernement la restitution des biens d’église spoliés à la Révolution. Il reste encore certains dossiers en cours, comme l’acquisition d’un palais épiscopal. Une lettre du 17 février au Ministre de l’Intérieur (CG II,Doc 196) rappelle l’urgence de ce dossier. De même, l’évêque s’inquiète auprès de M. Berthier, curé de Dinan, des dispositions à prendre pour que l’école ecclésiastique dont il est le propriétaire légal, soit reconnue, à sa mort, comme bien d’église. Il le presse de faire, pour le moins, un testament olographe en ce sens. (CG II, Doc 197). Troisième dossier : celui de l’acquisition de l’ancien grand séminaire de Tréguier afin d’y installer le collège ecclésiastique, indispensable dans cette partie bretonne du diocèse. Déjà, le Père de la Mennais a obtenu la cession d’une première partie de ces bâtiments occupés jusqu’à là par la gendarmerie. Il faut valider cette cession. De plus, Mgr de la Romagère a engagé avec le sieur Caro, propriétaire de la seconde partie, un compromis de vente pour lequel il faut également une autorisation, mais aussi une subvention d’état permettant de faire face aux dépenses d’achat et de réparations.(CG II, Doc 200).

Ces trois lettres, signées du nouvel évêque, portent la marque du Vicaire général qui a dû en assurer la rédaction.


Février 1820 : première offre de démission de l’abbé de la Mennais.

À peine rentré de la Chesnaie, dans une courte lettre du 29 janvier, le Père de la Mennais remet sa démission de vicaire général : « Monseigneur. Des motifs graves et douloureux me forcent à remettre entre vos mains le titre et les pouvoirs de grand vicaire que vous avez bien voulu me donner. » Signé : J.M. de la Mennais, chanoine honoraire de Rennes

Il faudra deux autres lettres pour que l’évêque accepte la démission de son vicaire général, le 31 janvier 1821, mais « lui conserve tous les pouvoirs relatifs à la confession et lui confie spécialement le soin et l’administration des petites écoles dont il s’était occupé très utilement ». Entre temps, sur les conseils des abbés Vielle et de Nanthois, le vicaire général consent à rester à Saint-Brieuc pour prévenir les inconvénients graves qui pourraient résulter d’un départ subit, et reste disposé à fournir à l’évêque les renseignements qu’il jugera à propos de demander.

Le constat qu’il dresse en fin d’année au Grand Aumônier est éloquent : « Le désordre le plus complet règne dans le diocèse, la division est presque partout ; les affaires sont abandonnées, tout est en souffrance et menace ruine… » (CG II, Lettres 933,934, 936, 944)


Janvier 1820 : Le Père de la Mennais se retire à La Chesnaie pour trois semaines de repos.

Mgr de Romagère vient de prendre possession du siège épiscopal de Saint-Brieuc depuis le 11 novembre 1819 et a nommé le Père de la Mennais, premier vicaire général. Celui-ci estime, à juste titre, avoir droit de souffler un peu et se retire à la Chesnaie pour trois semaines de repos. De plus, Féli y est déjà depuis quelques jours. Un autre motif explique son retrait momentané de Saint-Brieuc : ce sont déjà « les tristes querelles qui se sont passées dans le chapitre depuis quelques semaines » comme il l’explique dans une lettre du 15 janvier à un ami ecclésiastique. Ces querelles concernaient les dérogations accordées par Mgr Cafarelli à l’abbé Vielle, supérieur du grand séminaire, que certains, profitant de l’arrivée d’un nouvel évêque, voulaient obliger, en tant que chanoine titulaire, à être présent à tous les offices de la cathédrale. Les multiples occupations du directeur du grand séminaire justifiaient amplement cette dérogation et le Père s’insurge fermement contre ces revendications abusives. (CG II, Lettre 925

Avant de partir pour la Chesnaie, le Père de la Mennais avait nommé le frère Paul Guyot, directeur de Pordic, comme responsable du noviciat de la rue Notre-Dame.


Décembre 1819 : réactions à la brochure sur l’enseignement mutuel publiée par Jean-Marie de la Mennais

C’est tout au long de l’année 1819, depuis l’ouverture de l’école mutuelle de Saint-Brieuc par M. Rémond, directeur compétent et entreprenant, que M. de la Mennais ne cessa de combattre, avec la plus forte énergie, cette nouveauté pédagogique qui avait la faveur et le soutien affiché de toutes autorités civiles. Nous l’avons vu à l’œuvre à propos de l’ouverture de l’école de Dinan où il réussit à devancer ses adversaires. Lorsque l’occasion se présente, le vicaire capitulaire ne craint pas d’utiliser la chaire de la cathédrale pour fustiger la méthode. Et après la solennelle distribution des prix de l’école mutuelle à la mi-août et le discours virulent de son directeur, il rédige, en une semaine à peine, une brochure intitulée « De l’enseignement mutuel, par J-M de la Mennais, vicaire général du diocèse de Saint-Brieuc ». Imprimée chez Prodhomme, cette brochure est largement distribuée et connaît un grand retentissement jusque dans la presse parisienne. « L’ami de la religion » en donne de larges extraits et la présente comme « un excellent résumé des principales difficultés qu’on oppose à l’enseignement mutuel. On y reconnaît à la fois le zèle d’un digne ministre de la religion, le coup d’œil d’un observateur judicieux et le talent d’un écrivain distingué» (Laveille, tome I, p 241).

La brochure, rédigée à la hâte, n’est pas sans défaut. M. Bienvenue, avocat briochin, que les partisans de la méthode chargent de donner la réplique au vicaire général, utilise habilement l’ironie et la modération pour essayer d’en atténuer la portée médiatique. Malgré tout, cet écrit participa au déclin de l’engouement pour l’enseignement mutuel, moins cependant que le revirement politique de décembre 1820 qui en marqua la fin.

En 1819, Gabriel Deshayes, très généreux avec le Père de la Mennais pour Dinan, ne put ouvrir que deux écoles, l’une à Pluméliau et l’autre à Montauban-de-Bretagne.


15 Novembre 1819 : arrivée de Mgr de la Romagère comme évêque de Saint-Brieuc

Dès la prise de possession de son siège, le nouvel évêque nomme Jean-Marie de la Mennais comme premier vicaire général et l’abbé de Nantois comme second pour remplacer M. Manoir décédé en avril.

Ce n’est pas sans grande appréhension que le Père de la Mennais voit arriver son nouvel évêque. Le 15 septembre, à l’annonce officielle de la nomination, il écrivait à Mgr de Quélen : « Voilà donc le sort du diocèse de Saint-Brieuc fixé ; nous aurons Mgr de la Romagère pour évêque ! Il faut se résigner, et tâcher de tirer le bien du mal même. » (L 908). Un peu plus tard, le 3 octobre : « Ne sachant où prendre Mr de la Romagère qui m’écrit toujours d’un lieu où il ne sera pas le lendemain, je vous envoie pour lui un pacquet ouvert et je vous prie de le cachetter avant de le lui remettre. » (L 918).

Très vite, le vicaire général juge sa situation intenable et présente sa démission « pour des motifs graves et douloureux » : elle lui sera refusée (L 926). La troisième supplique (L946) sera la bonne, le 31 janvier 1821.

 » C’est sans doute à cette date qu’il faut placer le célèbre épisode du rachat de l’ancien grand séminaire de Tréguier par le Père de la Mennais.(Pour des précisions historiques, voir l’article du frère Évergilde-Marie Quéau dans la Chronique 241; de janvier-mars 1965, p 55) »


Octobre 1819 : Seconde mission de Saint-Brieuc

Avant l’arrivée de Mgr de la Romagère, officiellement nommé à Saint-Brieuc depuis début septembre, le Père de la Mennais profite du passage des Jésuites de Tours en route pour Brest pour organiser une seconde mission à Saint-Brieuc. Mais il se réserve le sermon d’ouverture.

Empruntons au Père Laveille (Tome 1, p 259) les détails pittoresques suivants : « Les exercices sont annoncés, et il monte en chaire pour le sermon d’ouverture. En promenant son regard sur l’auditoire, il s’aperçoit que la cathédrale est comble, et que, dehors, devant la grande porte restée ouverte, des centaines de personnes essayent vainement d’entrer.

Alors, très simplement, s’adressant à l’énorme foule : ‘‘ Je descends, dit-il, je ne prêche pas ici. Suivez-moi, je monte rue de la Vicairie et je vais donner mon sermon sur la place Saint-Pierre ’’. Et traversant les rangs de l’assistance, il s’en va, sous le grand soleil, entraînant après lui, tout un peuple. Arrivé sur la place Saint-Pierre, il gravit une éminence. Une simple chaise lui sert d’appui et, du haut de cette humble tribune, il jette à la multitude passionnée et haletante des apostrophes qui bouleversent les âmes et arrachent les larmes. »

Après une telle entrée en matière, il était facile aux jésuites d’organiser la suite. À Brest, les choses se passeront différemment car des troubles graves s’y produiront. (Cf. L 920)


Septembre 1819 : Deux retraites séparées, Saint-Brieuc et Auray

En 1819, les Fondateurs ne jugent pas à propos de réunir leurs sujets pour une retraite commune. Toutes deux se tiennent en septembre. Celle d’Auray déserte le Manéguen, siège des exercices précédents, pour occuper un local du collège de M. Humphry. M. Deshayes y donne les instructions à une vingtaine de novices et Frères placés, aidé du P. François, S.J., professeur au petit séminaire de Sainte-Anne d’Auray. Dans leurs souvenirs, les frères Hippolyte Morin, Julien Kerdavid et le frère Augustin nous en donnent quelques échos.

À Saint-Brieuc, les exercices rassemblent une dizaine de retraitants : les FF. Paul, Charles, Gabriel, André, en fonction à Pordic ou Dinan, Bonaventure peut-être, tous venus d’Auray, les trois recrues de l’abbé Tresvaux, et quelques aspirants arrivés au cours de l’été : le F. Paulin sûrement ; il est difficile d’être affirmatif pour les FF. Adrien, Michel, Simon… dont on ignore la date exacte d’entrée au noviciat.

Le F. André Labousse a livré ses impressions de retraite. Elles traduisent bien la ferveur et l’émotion qui la caractérisèrent : « Ce fut (M. de la Mennais) lui-même qui nous la prêcha dans un de ses appartements. (Il) nous parlait avec tant d’âme et d’onction que nous étions tous pénétrés et convaincus des vérités qu’il nous annonçait. Dès lors, je fus poussé vers lui avec un élan irrésistible et j’eus pour lui une vénération profonde. » (EM 5, p 63-64)


Août 1819 : Mlles Conan, Cartel et Chapelain prononcent leurs premiers vœux.

La lettre 903 du 9 septembre à Mme de Saisseval, supérieure générale des Filles de Marie, nous apprend que les trois demoiselles Conan, Cartel et Chapelain ont prononcé, devant le Père de la Mennais, leurs premiers vœux dans sa Société, le 15 août. Leur temps de noviciat a été légèrement abrégé, leur première consécration ne datant que du 8 septembre 1818, mais « leur vertu éprouvée et leur grand mérite » justifient amplement cette anticipation.

« Leur œuvre est en pleine développement : leur école compte sept classes : trois de lecture, deux d’écriture, une de couture et une de broderie. J’ai donné le nom de La Providence à la maison qu’elles ont louée. Un excellent laïc a mis à ma disposition des fonds suffisants pour que les choses puissent aller ainsi. Sept demoiselles se disposent à entrer prochainement dans la même Société »

En conséquence, le Père de la Mennais demande à Mme de Saisseval douze exemplaires de la Règle de la Société, à confier à sa sœur Marie (Mme Blaise de Maisonneuve), en voyage à Paris et qui passera par Saint-Brieuc à son retour. Nous savons que, par la suite, devant certaines prétentions de Mgr de la Romagère, le Père de la Mennais jugera nécessaire de garder la totale direction de cette œuvre naissante et en fera une institution nouvelle sous le nom de Congrégation des Filles de la Providence.

Après cette célébration, l’abbé Jean prendra une semaine de repos à La Chesnaie avec Féli, visitera en sa compagnie le Mont Saint-Michel et passera 3 ou 4 jours à Saint-Malo


Juillet 1819 : début du noviciat de Saint-Brieuc et une « longue tournée » dans le diocèse.

D’après les études du frère Célestin-Paul Cueff fondées sur les travaux de recherche du frère Henri Rulon, l’arrivée des recrues de La Roche-Derrien a dû se situer entre le 12 juin et 4 juillet. Le 6 juin, avant de partir pour Dinan, le Père de la Mennais écrit à l’abbé Élies, curé de Lannion : « je serai de retour samedi (12 juin) – je me propose d’aller vous voir dans les premiers jours de juillet ». Et le 4 juillet, de la Chesnaie, Féli écrit à Melle de Lucinière : « Nous partirons à la fin d’août pour Paris. Malheureusement mon frère ne sera pas du voyage : un noviciat de petits frères qu’il établit à St-Brieuc, dans sa maison même, ne lui permettra pas de s’absenter. ». Le frère Célestin-Paul en conclut que les premiers postulants, Yves Le Fichant (18 ans), Allain Coursin (20 ans) et Jean-François Mindu (16 ans), ont dû arriver à Saint-Brieuc au cours de cette deuxième quinzaine de juin. (Cf. EM5, p 56)

Il reste quelques zones d’ombre : les trois postulants se sont-ils présentés à Saint-Brieuc sans être accompagnés ? Y ont-ils été conduits par l’abbé Tresvaux ou bien, le Père de la Mennais a-t-il profité de sa visite à Lannion pour passer par la Roche-Derrien et les prendre en charge ? En outre, à qui les a-t-il confiés à cette date, car une lettre du 2 août nous apprend qu’il vient de terminer une « longue tournée » dans le diocèse. (L 895). Peut-être, a-t-il déjà mis à contribution un frère des Écoles chrétiennes ? ou que le frère Bonaventure Le Dain (28 ans), du noviciat d’Auray, ait accompagné les trois confrères de Dinan et soit resté à Saint-Brieuc comme cuisinier et que le Père lui ait confié la responsabilité du groupe des jeunes aspirants ?


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Juin 1819 : le traité d’union du 6 juin 1819

Assurément, pour la congrégation des Frères, le fait majeur de l’an 1819 est le « traité d’union » signé le dimanche 6 juin entre le Père de la Mennais et le Père Deshayes. Ce traité est considéré à juste titre comme l’acte de naissance de la congrégation, même si la retraite de septembre 1820 scelle de manière plus éloquente les premiers pas de la nouvelle société.

« Animés du désir de procurer aux enfants du peuple, spécialement à ceux des campagnes de la Bretagne, des Maîtres solidement pieux, nous avons résolu de former provisoirement à St. Brieuc et Auray deux noviciats de jeunes gens qui suivront autant que possible la règle des Frères des Écoles chrétiennes et se serviront de leur méthode d’enseignement… » (Doc 186)

Cet accord s’explique par la rude bataille que mène le Père de la Mennais contre l’implantation des écoles mutuelles dans le diocèse de Saint-Brieuc. Vaincu à Lamballe, Guingamp, Châtelaudren, Paimpol et Pontrieux, il veut, à tout prix, gagner à Dinan. Il prend des contacts avec l’abbé Bertier, curé de la paroisse, pour le convaincre de seconder son projet, se déplace à Auray pour solliciter l’aide de l’abbé Deshayes. Début juin, ce dernier arrive à Saint-Brieuc avec les trois jeunes instituteurs promis, les frères Charles Brottier, René Verdon et André Labousse. C’est à l’issue d’une semaine de réflexion commune que le texte du traité d’union est signé. Accompagnés des deux fondateurs, les jeunes enseignants arrivent à Dinan où rien n’est prêt pour les recevoir. On pare à l’essentiel. L’abbé Deshayes quitte Dinan dès le jeudi 10 juin et partage sa joie et sa confiance au frère Jean Mouroux qui l’accompagne. Le Père de la Mennais reste à Dinan jusqu’au samedi pour pourvoir aux dernières formalités. L’installation solennelle se fera en septembre.                                                                                (EM 5, p 60-63)


Mai 1819 : le souci de toutes les « affaires ecclésiastiques ».

« Les affaires ecclésiastiques », c’est son « casuel » comme l’écrira en une autre circonstance le Père de la Mennais. De quoi s’agit-il concrètement ?

Il faut régler, auprès du Préfet et du « ministère de l’Intérieur et des affaires ecclésiastiques », les multiples questions relatives au salaire des vicaires, à l’aide aux prêtres âgés, aux bourses des séminaristes, à la récupération des chapelles et églises spoliées à la révolution, à la reconnaissance légale des communautés religieuses qui se reconstituent et entendent récupérer leurs anciennes maisons (L886), etc.

Il faut donc dresser régulièrement les listes nominatives des personnes (L 859 : le ministre de l’Intérieur a admis 213 vicaires du diocèse), intervenir auprès des communes pour obtenir un délibéré de la fabrique démontrant la nécessité pour la paroisse d’avoir un vicaire (Doc 184, Doc 187, Doc 188 ; L863), faire les rappels lorsque les sommes allouées ne sont pas versées à temps (ex : L912), répondre au ministre qui sollicite des renseignements sur la situation du grand séminaire (L 881). On dénombre, sur ces questions, pour le seul mois de mai et début juin, une dizaine de lettres à l’adresse du Préfet, du grand Aumônier ou du Ministre de l’intérieur. (L 874 à 883)


Avril 1819 : décès de l’abbé Manoir, premier Vicaire capitulaire.

Nous savons qu’en janvier 1815, le Chapitre de Saint-Brieuc avait nommé trois vicaires capitulaires, les abbés Manoir, Boulard et Floyd auxquels, en raison du grand âge de ces deux derniers, il avait adjoint le secrétaire de l’évêque, l’abbé de la Mennais. En fait, seul l’abbé Manoir pouvait lui être de quelque aide. Et voilà que le 20 avril, après six jours de maladie, le Père Manoir décède. Le Père de la Mennais l’apprend à Loudéac où il accompagne l’évêque de Vannes qui commence une tournée de confirmation prévue de longue date. Il rentre précipitamment à Saint-Brieuc pour présider les obsèques du défunt. Désormais, il sera vraiment seul à porter le poids du diocèse en attendant l’arrivée du nouvel évêque, pas encore officiellement nommé.

Comme par le passé, le vicaire capitulaire devra faire face à toutes les affaires ecclésiastiques. Dans l’immédiat, il entend bénéficier du traitement de 2000 Fr. attaché à son poste, non pour lui-même : « je n’ai pas besoin de cette somme », mais « elle sera utile à nos établissements ». Il écrit en ce sens à Mgr de Quélen, vicaire général de la Grande Aumônerie (L 873)


Mars 1819 : le souci, toujours présent, de l’éducation des jeunes. Appel à l’abbé Tresvaux.

Début 1819, le Père de la Mennais s’intéresse particulièrement à l’école des Frères de la Salle ouverte le 29 novembre précédent et à l’âpre concurrence de l’école mutuelle : « Notre Lancaster fait tapage » écrit-il le 4 février à M. Querret (L852). En effet, appuyé par le Préfet, Monsieur de Saint-Aignan, le directeur lancastérien ouvre une école normale pour former les instituteurs à cette méthode. Bientôt cinq villes, Chatelaudren, Paimpol, Lamballe, Pontrieux, Guingamp se dotent d’une école mutuelle. Une circulaire du Préfet en date du 20 mars 1819 lance un appel aux autres communes pour adopter le procédé qu’il estime supérieur à tout autre. (Voir aussi la lettre 880 au sujet de M. Rémond)

Conscient du danger, ce jour même, 20 mars 1819, le Père de la Mennais écrit à son ami, l’abbé Tresvaux, curé de La Roche-Derrien, et le prie de trouver des sujets pour la société d’instituteurs qu’il se propose de former le plus tôt possible. Nous n’avons pas la lettre du Père, mais la réponse de M. Tresvaux du 22 mars a été retrouvée en 1944 et confirme la demande. Les trois jeunes n’arriveront à Saint-Brieuc qu’après la mi-juin. (EM 5, p 52-55)

Le Vicaire capitulaire n’oublie pas les filles. À son beau-frère, Ange Blaize, il confie, le 11mars : « Je viens de terminer une affaire à laquelle j’attachais beaucoup d’intérêt ; il s’agit d’une école pour petites filles dans le genre de celle des frères ; cela s’est arrangé définitivement ce matin ; nous aurons à Pâques une école de 2 à 300 filles ». Il s’agit de la maison de la Providence à Saint-Brieuc.


Février 1819 : Le Vicaire capitulaire veille à la bonne administration de son diocèse et prend la défense de ses prêtres

À Merléac, paroisse rurale d’une grande étendue, subsiste un ancien usage contraire aux règlements du diocèse que le Vicaire capitulaire désire abolir : les prêtres vont chercher les corps des défunts dans les lieux où ils sont déposés ; parfois ils s’y rendent dès la veille. Il en résulte une extrême fatigue pour les ecclésiastiques. Le Vicaire capitulaire demande le respect de l’ordonnance de Mgr De Caffarelli qui a abrogé cette coutume. (L855)

Au Quillio, face à une récidive d’un comportement scandaleux du vicaire, le Père de la Mennais lui interdit toute fonction ecclésiastique dans le diocèse et nomme immédiatement son remplaçant. (L 857)

À Pordic et Jugon, les curés refusent la sépulture religieuse à deux personnes qui se sont suicidées et ont, jusqu’à leurs derniers moments, manifesté publiquement leur opposition à la religion catholique. Leurs parents et amis crient au scandale et saisissent les autorités civiles. Le Père de la Mennais doit écrire par deux fois au Ministre de l’Intérieur pour justifier la conduite de ses pasteurs. (L871)


Janvier 1819 : Soucis quotidiens du Vicaire capitulaire. Du colonel au Préfet et jusqu’au Ministre de l’Intérieur, querelle autour d’une messe militaire.

Les embarras du Vicaire capitulaire sont de tous ordres et il lui faut intervenir à de nombreuses reprises pour satisfaire le Colonel de la Légion qui entend obtenir une messe pour sa troupe le dimanche, à midi, dans la Cathédrale. « Pour des raisons d’ordre public », la messe de midi le dimanche avait été supprimée depuis dix mois avant l’arrivée du nouveau colonel. Deux premiers billets du 16 janvier (matin et soir) signifient au Colonel qu’on est tout disposé à satisfaire sa demande et qu’en l’absence d’aumônier militaire attitré, le Vicaire capitulaire lui a trouvé un prêtre disponible pour célébrer la messe à midi dans la chapelle du Collège. Le Colonel refuse cette proposition. Dans la matinée du dimanche 17 janvier, l’abbé Jean reprend la plume pour rappeler au Colonel qu’ « aucune loi, aucune ordonnance ne nous assujettit à donner aux troupes une messe particulière et n’attribue aux Chefs militaires le droit de fixer l’heure et le lieu où elle serait dite » et qu’il regrette la décision prise.

Le différend remonte jusqu’au Préfet, car le mardi 19 janvier, le vicaire capitulaire reprend la plume pour justifier la décision qui était de sa compétence. Le 17 mars, revenant sur cette affaire qui est remontée jusqu’à Paris, le Père de la Mennais fait savoir au Ministre de l’Intérieur qu’en la circonstance, il n’a eu que le souci de faire respecter le droit et les lois de l’Église et que l’intervention du Préfet a été bénéfique. Un mot adressé au colonel le 29 septembre montre que les choses sont alors bien apaisées.

(Cf CGII, L846, 847, 848, L852, L864, L915). Voir aussi la lettre du 2 février à M. Querret (L852) où le Père fait allusion, non sans ironie, à la « querelle rouge » qu’il a eue avec les militaires.


DÉCEMBRE 2018 : Le 25 décembre 1818, acte de donation d’elles-mêmes des demoiselles Cartel, Connan et Chaplain

Dans les Annales des Filles de la Providence, nous trouvons la mention de cet acte de donation qui prélude à leur consécration religieuse : « La nuit de Noël 1818, Mlles Cartel, Connan et Chaplain se réunirent secrètement dans la chapelle de Notre Dame du Refuge et récitèrent en commun un acte de donation d’elles-mêmes qui préludait à leur consécration religieuse. »

Huit jours plus tard, Mlle Esther Beauchemin se joignit à elles en faisant le même acte de donation. On voit qu’il manque Mlle Bagot, la quatrième associée des débuts, qui s’était séparée de ses compagnes  pour continuer son apostolat auprès des orphelines et fonder la congrégation de la Sainte Famille.

Les quatre nouvelles associées commencent alors leur noviciat en vue de s’agréger à la Société des Filles de Marie dont Mme de Saisseval est la supérieure générale. Leur maîtresses des novices est la Supérieure de l’Hospice, une sœur de Saint Thomas de Villeneuve. (EM 5, p 7-8)

NB : En 1818, le Gabriel Deshayes a déjà ouvert les écoles de Thénezay (Deux-Sèvres) et Baud en 1817 et Pordic, Limerzel, Malestroit et Ploërmel en 1818.


NOVEMBRE 2018 : Arrivée des Frères des Écoles chrétiennes à Saint-Brieuc. Bataille de l’école mutuelle.

Il s’est passé un an et demi entre la première démarche du Père de la Mennais, le 19 mai 1817, dans la lettre apostillée du Père Deshayes qu’il écrivait au Supérieur des Frères des Écoles chrétiennes, et l’arrivée tant attendue des trois frères.

Il était temps. Les partisans de l’école mutuelle avaient déjà réussi à enrôler 175 enfants avant que, trois jours plus tard, les frères commencent à recevoir les inscriptions. « L’humble catalogue des ignorantins s’est rapidement rempli, si bien qu’il renferme en ce moment plus de 300 noms […] Sur les 175 élèves inscrits pour l’enseignement mutuel, il ne s’en est présenté que 50 ; les autres sont chez les frères ou y entreront bientôt ; le pauvre Lancastrien et ses amis enragent, dit-on ; le peuple est dans la joie et moi je ne pleure pas. » écrit le Père de la Mennais  à son ami Querret.

Dans une lettre au ministre de l’Intérieur, le Père de la Mennais explique les deux raisons profondes de son opposition à l’école mutuelle : 1mt, parce que je crois cette méthode dangereuse ; 2 mt parce que, dans ce pays-ci, elle n’a pour partisans que les ennemis de Dieu et du Roi. (Lettre 817.

La « bataille » engagée par le Père de la Mennais commence sous de bonnes augures, ce 29 novembre 1818, mais est loin d’être finie…

CGII : Lettres 804, 817,835, 852 et, EM 5, p 52-54  et EM 43, p 73


OCTOBRE 1818 : Jean-Marie de la Mennais s’installe rue Notre Dame, futur emplacement du noviciat de Saint-Brieuc.

Jean-Marie de a Mennais quitte la maison de la rue Saint Gilles où il résidait depuis 1814, pour venir s’installer Rue Notre Dame, au couvent de Monbareil. Il fait une avance de 12000 francs aux Sœurs de la Charité du refuge pour aider à l’achat du couvent, en contrepartie d’une location d’un secteur de la maison pour son usage personnel. Il prend en charge l’éducation de son neveu, le « petit Ange », fils de Marie et Ange Blaize, qu’il a ramené de Saint-Malo au retour de son séjour parisien de septembre.

C’est dans cette maison qu’il recevra, quelques mois plus tard, les trois premiers sujets, dont Yves le Fichant, recrutés par l’abbé Tresvaux, curé de la Roche Derrien. Le noviciat fonctionnera à la rue Notre Dame jusqu’à son transfert à Josselin, en août 1823.


SEPTEMBRE 1818 : Deuxième retraite des Frères d’Auray. Retraites de laïcs.

Laissons la parole au frère Hippolyte Morin dans ses « Souvenirs ». « Au mois de Septembre 1818, nos frères, au nombre de treize, firent encore la retraite avec ceux des Écoles chrétiennes, au Manéguen.  Cette fois, ce fut M. Guyomard, alors curé de Malestroit, et depuis Missionnaire de St Laurent, qui donna les instructions dans une des classes. La chaire du maître fut celle du prédicateur ; du reste, cette retraite ressembla à la précédente : on se levait à 5 heures et l’on se rendait dans la chambre du père Deshayes pour la prière et la méditation qui s’y faisaient».

Puis, le frère Hippolyte raconte l’accident bien connu où le Père Deshayes, le jour de l’ouverture d’une retraite pour laïcs, voulant porter assistance au frère Pierre tombé dans la fosse d’aisances, y chuta lui-même et se blessa à la tête. Le frère Hippolyte poursuit : « On sait qu’il est le fondateur des retraites qui ont lieu à la communauté du Père-Éternel d’Auray, à certaines époques de l’année, tant pour les hommes que pour les femmes.  La première de ces retraites eut lieu en [novembre] 1818, précisément le jour où arriva l’accident dont je viens de parler.  Il devait lui-même en faire l’ouverture; mais son état ne le lui permit pas :  toutefois, dès le lendemain, la tête entourée de compresses, il parut parmi les ecclé­siasti­ques qui y travaillaient et, avec sa gaieté ordinai­re, il plaisantait le mieux du monde, sur l’état où il s’était trouvé dans la fosse-morte avec son compagnon de malheur, le frère Pierre ».

(« Mes souvenirs sur l’Institut … », du frère Hippolyte Morin)


AOÛT : Été 1818 : repos, voyages, deuils et séjours à Paris et à la Chesnaie, de Jean et Féli

Début juillet, Féli quitte Paris où il vient de terminer la publication de la seconde édition du premier volume de « L’Essai sur l’indifférence » et il rejoint son frère Jean à Saint-Brieuc. Du 17 au 27, les deux frères se reposent à La Chesnaie : « J’arrive de la Chesnaie où j’ai passé dix jours avec Féli ; les affaires du Diocèse ne m’ont pas permis de m’absenter plus longtemps de Saint-Brieuc : ce court intervalle de repos nous a été utile à tous deux. » (CGII, Lettre 772)

Début août, Féli rentre sur Paris où il apprend la mort de son frère Gratien à la Havane. Il en est bouleversé. À la fin du mois, une autre épreuve aussi pénible l’attend, la mort prématurée de son ami, l’abbé Teysseyre, professeur à Saint-Sulpice. Il écrit, laconiquement, à Jean le 23 août : « La nuit dernière, à 2h1/2, notre pauvre Teysseyre a cessé de vivre. Il a été admirable dans toute sa maladie. Ne sois pas inquiet de ma santé. Un autre coup m’avait préparé à celui-là. Je puis pleurer. »


JUILLET : Tractations entre Gabriel Deshayes et les Sœurs du Saint-Esprit de Saint-Brieuc au profit des futures Sœurs de Saint-Gildas.

Depuis 1807, Gabriel Deshayes avait réuni à Beignon un groupe de sept jeunes filles dans l’intention d’en faire des institutrices. Une école de filles s’ouvrit effectivement sous la direction de Michelle Guillaume. Mais il fallait assurer leur formation pédagogique et religieuse.

À cet effet, dans le courant de l’année 1818, Gabriel Deshayes prit contact avec les Filles du Saint-Esprit dans l’intention d’agréger son groupe à cette congrégation. À titre d’essai, il détacha Michelle Guillaume et une de ses compagnes pour se former à Plérin, siège de l’Institut. Mais devant certaines réticences des sœurs et le manque d’unanimité de leur Conseil général, il se déplaça à Plérin, décida finalement de mettre fin à l’expérience et rentra à Beignon avec ses deux disciples.

En 1820, après la rencontre de juin 1819 avec Jean-Marie de la Mennais, il opta pour la création d’un véritable institut religieux. Les sept compagnes émirent leurs premiers vœux le 19 novembre 1820 et six nouvelles recrues entrèrent au noviciat. Cette date est retenue comme date de fondation de la congrégation des Sœurs de l’Instruction chrétienne de Saint-Gildas.

Gabriel Deshayes, prêtre de la Providence, Jean Chéory p 118 et Laveau


Juin : Décès de Gratien, le benjamin de la famille de La Mennais.

La conduite de Gratien, le benjamin de la famille posait, depuis des années, un problème permanent à la famille. Il vivait aux crochets de ses frères et sœur et dépensait son argent en boissons et en frivolités, leur laissant des factures non payées à régler pour lui. Grâce à leur intervention, il avait obtenu un poste de lieutenant dans un régiment de la Garde Nationale à Tours, mais il en fut exclu en début 1818.

En décembre 1817, Jean-Marie avait jugé nécessaire de se déplacer jusqu’à Saint-Malo pour étudier, avec son beau-frère Ange Blaize, sur le parti à prendre concernant Gratien. Ils réussirent à le faire embarquer sur un navire de l’armement Blaize pour les Antilles, en qualité de second. Le 4 juin 1818, Gratien décédait, à la Havane, d’une crise de vomito provoquée par la fièvre jaune. Il avait 33 ans. La nouvelle ne parvint en Bretagne qu’au mois d’août.

Féli sera très affecté par ce décès : « Féli, en apprenant la mort du pauvre Gratien, a éprouvé une crise de nerfs très violente, qui a duré plusieurs heures… » (Lettre 780 de Jean à Ange Blaize + Lettre 667)

(CGI, Lettres 185, 375, 508, 565- EM 43, p 42)


Mai : Urgence de l’arrivée des Frères : rappels au frère Gerbaud, supérieur général des F.E.C.

Le 5 mai 1818, le Père de la Mennais reprend contact avec le frère Gerbaud, supérieur général des Frères des Écoles chrétiennes, pour lui demander, comme promis, trois frères pour octobre 1818, afin de contrer l’ouverture de l’école mutuelle à Saint-Brieuc.  « Permettez-moi de vous représenter qu’il est très important que vos Frères viennent au mois d’octobre ; j’ai cru, d’après ce que vous m’avez fait l‘honneur de me marquer, pouvoir donner l’assurance à la ville, au Préfet, et par l’intermédiaire de celui-ci au ministre de l’Intérieur, que nos écoles chrétiennes seraient établies dans ce mois. ».

Le 15 juin, le Vicaire capitulaire se fait encore plus pressant, et le 22 août, les 13 et 25 septembre, il rend compte des démarches entreprises par le Charles, F.E.C. d’Auray, que le supérieur général a dépêché à Saint-Brieuc pour mieux rendre compte de la situation et préciser les besoins en mobilier et en diplômes d’enseignement. Le frère Gerbaud promet alors les frères pour la Toussaint. La rentrée pourra se faire effectivement le 29 novembre 1818, pratiquement en même temps que l’ouverture de l’école mutuelle.

CGII, Lettres 743, 789, 796, 802


Avril : Février à avril 1818 : « On ne me laisse pas le temps de respirer ». 

L’engagement du Vicaire Capitulaire de Saint-Brieuc au service de son diocèse reste total.

Le 16 février 1818, il écrit à son ami M. Querret : « Depuis que le carême est commencé, je confesse, pour ainsi dire, du matin au soir. Cette procession d’hommes et de jeunes gens me plaît singulièrement.»

Et, à Mgr de Quélen, le 29 mars 1818 : « On ne me laisse pas le temps de respirer, depuis que la Pâque est ouverte. Le bon Dieu en soit béni ! »

Un peu plus tard, le 24 avril, à son beau-frère Ange Blaize : « Pour moi, je suis plus que jamais écrasé de travail ; je ne sais comment j’y tiens, le bon Dieu me donne des forces. »

Quinze jours auparavant, c’est son frère Féli qui le conseillait : « Ménage ta santé. Je crains que tu ne t’épuises une seconde fois. Rien ne fatigue que de parler en plein air. Si Dieu permet que tu fasses du bien, il faut conserver tes forces pour en faire davantage. »

CG II Lettres 714, 729, 738


Mars : Polémique avec le ministre de l’Intérieur à propos des quatre articles de 1682.

La Déclaration des Quatre articles, rédigée par  Bossuet, fut adoptée en 1682 par l’assemblée extraordinaire du clergé de France. Cette déclaration définit les « libertés de l’Église gallicane », selon lesquelles :

  • le souverain pontife n’a qu’une autorité spirituelle ; les princes ne sont donc pas soumis à l’autorité de l’Église dans les choses temporelles ;
  • l’usage de la puissance pontificale est réglé par les canons de l’Église ; mais, à côté d’eux, les principes et les coutumes de l’Église gallicane qui existent depuis toujours doivent demeurer en vigueur ;
  • l’autorité du pape est limitée par celle des conciles généraux ;
  • en matière de dogme, le papen’est infaillible qu’avec le consentement de l’Église universelle.

(Extraits de Wikipédia)

Cette déclaration peut être considérée comme la charte du « gallicanisme » et l’on sait comment, dans les deux premiers ouvrages en commun de Jean et Féli, les deux La Mennais ont démontré la permanence de la primauté du Pape dans l’histoire de l’église catholique, en particulier pour la nomination et l’institution des évêques.

Aussi, quand le gouvernement veut imposer l’enseignement des Quatre articles dans les séminaires, le Père de la Mennais engage une discussion serrée avec le ministre de l’Intérieur, en affirmant son adhésion totale au premier article mais en soutenant que les trois autres articles ne sont que de simples opinions : il n’y a donc pas lieu d’en imposer l’enseignement dans les séminaires. Moyennant cette réserve, il accepte que les professeurs de théologie s’y soumettent. Il sera pratiquement le seul à adopter une position aussi ferme (en février, le dossier de Saint-Brieuc était le seul manquant au ministère de l’Intérieur).

Cf.  Lettres 713, 726 du 8 mars ,732 et Doc 176 dans CG II et Summarium Additionale, p 33-53


Février 2018 : Du 1er au 25 janvier 1818 : Mission de la paroisse de Pordic. Ouverture d’une école

En tant que vicaire capitulaire, le Père de la Mennais fut un des premiers à ouvrir des missions dans son diocèse. La première grande mission fut celle de Saint-Brieuc en 1816, puis Loudéac en 1817 ; celle de Pordic débuta le 1er janvier 1818 et dura trois semaines. Le Père de la Mennais en fit l’ouverture.

Pour consolider les heureux effets de la mission, le Père de la Mennais obtint de Gabriel Deshayes le frère Paul (Mathurin Guyot) pour ouvrir une école de garçons. Mathurin Guyot était originaire de Ploërmel et entra au noviciat d’Auray le 24 juin 1816. C’est sans doute à l’occasion de la mission de Saint-Malo, quelques semaines auparavant, que le Père de la Mennais négocia cette arrivée dont on ne connaît pas la date exacte.

Le frère Paul quitta Pordic au mois de mai 1820 pour enseigner au noviciat de Saint-Brieuc et, en septembre, prendre la direction de Dinan où il demeura jusqu’à sa mort en 1853. Il avait la confiance totale de notre fondateur.

Les Frères de Ploërmel ont tenu l’école de Pordic, sans interruption, jusqu’en 1978.

Cf. Ménologe, Tome 1, p 485, CG II, Lettre 692 du 5 janvier 1818, EM 9, p 35.


Janvier 1818 : Vers la fin de la liquidation des biens du comptoir commercial paternel.

Le 29 décembre 1817, Jean écrivait à son beau-frère Ange Blaize : « La liquidation marche rapidement vers son terme ». Il s’agit de la liquidation du comptoir commercial de leurs père et oncle déclarée vers le milieu de l’année 1813.

Mgr Laveille écrit : « M. Pierre de la Mennais était vieux et hors d’état de mener à bien la désastreuse liquidation. L’abbé Jean prit en mains les épaves de ce grand naufrage… Les créanciers furent pleinement satisfaits de sa droiture et de son énergie…  Tout n’était pas fini. M. de la Mennais et M. des Saudrais n’avaient pas où reposer la tête. L’abbé Jean s’entendit avec sa sœur et ses deux frères, Félicité et Gratien pour faire une pension viagère aux deux vieillards, qui se retirèrent à Rennes ».

En s’installant le 18 mars 1814 à Saint-Brieuc, l’abbé Jean avait réglé la plus grande partie des affaires de la liquidation, mais quelques dossiers restaient encore en suspens en début d’année 1818 comme en témoigne la correspondance entretenue entre Jean et Féli ainsi qu’avec leur beau-frère Ange Blaize de Maisonneuve entre 1814 et 1818

  1. Pierre Robert de La Mennais mourut le 24 janvier 1828 et l’oncle des Saudrais à la mi-juin 1829.

Laveille, Tome 1, p 137. Lettres



Décembre 1817 : Troisième rencontre entre Gabriel Deshayes et Jean-Marie de la Mennais

A la fin de 1817, l’occasion d’une troisième rencontre s’offre aux deux prêtres. Du 16 novembre au 19 décembre, une mission se donnait à St-Malo et St-Servan. .Le concours de M. Deshayes avait été réclamé par Augustin Georges, curé de Saint-Servan. Comment le refuser à l’ami qui, sous la Terreur et au milieu des pires dangers, partagea son apostolat clandestin?
M. de la Mennais savait sans doute la participation de M. Deshayes aux travaux des missionnaires, et les soucis causés par son frère Gratien – le benjamin et le tourment de la famille – exigeaient sa présence sur les lieux. Féli le fait savoir à son beau-frère, Ange Blaize : « J’écris à Jean pour l’engager à hâter son voyage à St-Malo. Vous aurez sûrement besoin de conférer ensemble sur le parti à prendre (au sujet de Gratien) ». Au même, l’abbé Jean confirme son intention ; « Je compte aller à St-Malo dans la seconde semaine de décembre : nous verrons ensemble, alors, ce qu’il y aura à faire ».

Le voyage eut lieu et les deux prêtres se sont vus à Saint-Malo ou Saint-Servan : on le sait par un vicaire de Pleudihen. Cette paroisse dépend du diocèse de Saint-Brieuc ; mais M. Glorio, son curé, et le vicaire avaient prêté leur aide à la mission. Le 25 décembre 1817, ce dernier écrivit à M. de la Mennais dont il dépendait, pour se disculper d’une accusation : « Je suis fâché de contredire le rapport que vous ont fait sur moi MM. Glorio, le Recteur d’Auray et M. Georges : on les a trompés. »

Le vicaire capitulaire avait alors un projet en vue et qui lui tenait à coeur. On pense qu’il profita de cette nouvelle rencontre pour le faire aboutir. En janvier 1818, la paroisse de Pordic devait elle-même entrer en mission. Pour en prolonger les heureux fruits, M. de la Mennais désirait l’ouverture rapide d’une école de garçons. C’est de M. Deshayes qu’il attendait l’instituteur dont il avait besoin. Toujours désintéressé, le curé d’Auray le lui promit. La classe souhaitée ouvrit dans les premiers mois de 1818.

Études Mennaisiennes  5, p 39-40.  Correspondance Bénérale I, L 606, L667 ; Crosnier I, p 284-288.


Novembre 1817 : Le 30 novembre 1817, parution du premier tome de l’Essai sur l’indifférence en matière de religion.

Depuis quelques mois déjà, Féli de la Mennais travaillait sur un ouvrage d’apologétique, sur les conseils et d’après les notes personnelles que l’abbé Teysseyrre, professeur à Saint-Sulpice, avait mis à sa disposition et qui traitaient de l’indifférence en matière de religion.

Le 30 novembre 1817, dans une lettre à Jean, Féli de la Mennais annonce que l’impression de L’Essai est achevée. C’est un ouvrage de 560 pages, vendu au prix de 6 fr.50.

L’ouvrage connaît un grand succès et est accueilli favorablement un peu partout, à quelques exceptions près. En moins d’un an, 13000 exemplaires sont vendus. Dès 1818, il est traduit en anglais, en hollandais, et un peu plus tard en italien, espagnol et allemand. La renommée de l’écrivain breton se répand dans toute l’Europe. En revanche, quand paraît le second volume en 1820, les critiques retiennent davantage l’attention de l’auteur. Aussi voulut-il solliciter le jugement de Rome, qui se montrera favorable : « Dans la recherche de la vérité, nous ne trouvons pas dans l’homme individuel le principe de certitude : c’est au contraire, ce que les hommes croient invinciblement qui constitue ce principe de certitude. Dans son « Essai » Lamennais met en relief la force de cette foi commune et, à mon avis, il le fait avec clarté.[…] Aussi, j’estime que cet ouvrage est excellent et qu’il mérite publication. »  (Rome, 29-04-1822, Basile Tomaggian, Pénitencerie de Saint-Pierre).

L’approbation officielle des trois consulteurs romains ne désarme pas la critique, surtout après la parution du second volume. On retiendra, en particulier, l’analyse sévère du jésuite Rozaven qui adressa à Féli en 1824 une objection de fond à sa thèse sous-jacente du « sens commun ».

Correspondance générale de Féli, Lettres à Jean de N° 226 à N° 242.
Maréchal, « la jeunesse de la Mennais » p 595 et sq.


Octobre 1817. Les premiers pas des Filles de la Providence à la rue de la Grenouillère.

Après la mission de 1816 à Saint-Brieuc, fut élue Présidente de la congrégation des Demoiselles. Soucieuse de se dévouer aux bonnes œuvres, elle accompagna en un premier temps Mlle Corbion, pieuse paroissienne de la cathédrale, dans ses courses charitables. Mlle Corbion mourut bientôt. Mlle Cartel s’adjoignit alors Marie Connan, Annie Chaplain, puis Mlle Julie Bagot. Ensemble, sous l’impulsion de cette dernière, elles fondèrent, dans une maison dite de la Grenouillère, un établissement en faveur des orphelines. Il en vint quatre pour commencer.

Puis, les quatre associées convinrent que l’on recevrait aussi les enfants pour leur enseigner le catéchisme ainsi que les rudiments de la lecture et de l’écriture… Mais Mlle Bagot estima que cette nouvelle activité sortait de l’objectif initial, épuisait, à son profit, les maigres ressources de l’institution, et suggérait le renvoi des écoliers. M. de la Mennais, sollicité comme arbitre, encouragea les deux apostolats et Mlle Bagot se sépara de ses compagnes pour continuer, d’abord seule, son apostolat auprès des orphelines.

De là vont naître deux congrégations religieuses : les Filles de la Providence de Saint-Brieuc et les Religieuses de Notre Dame de la Providence, qui deviendront plus tard les Religieuses de la Sainte Famille.

Laveille tome I, p 292-299 – Photo : Mlle Cartel et Mlle Bagot


Septembre 1817 : Retraite à Auray des premiers disciples de Gabriel Deshayes

Voici ce que le frère Hippolyte Morin écrit au sujet de la première retraite d’Auray, dans une lettre du 1er mai 1868 au frère Augustin Auvray de Saint-Laurent-sur-Sèvre :

« Au mois de Septembre 1817, ils firent une retraite avec les Frères des Écoles chrétiennes. Comme c’est au père Deshayes que ces frères doivent leur établissement (l’établissement d’Auray est le 1er qu’ils aient eu en Bretagne depuis la révolution de 1793), à Auray (puisque c’est lui qui les y a appelés et qui leur a fait bâtir des classes au Manéguen (de deux mots bretons mané guen, montagne blanche), il ne lui fut pas difficile d’obtenir que ses jeunes gens alors au nombre de sept, fissent avec eux les exercices spirituels. Cette retraite, la première que nos frères aient faite, fut donnée par un grand ami du père, M. l’abbé Villeneuve [aumônier de la Chartreuse d’Auray, NdlR], dans une des classes des Frères, parce que leur oratoire était trop petit. Entre les exercices, les jeunes postulants se dispersaient pour aller à confesse, les uns aux Capucins, les autres à l’hospice, etc. Ils se réunissaient à la cure pour les repas et pour le coucher. »

AFIC 080-06-005  Laveille I, note de la page 331


AOUT 1817. Retraite des prêtres du diocèse de Saint-Brieuc. Le Père de la Mennais alerte les prêtres sur les dangers de l’école mutuelle.

Le diocèse, sous l’impulsion de Jean-Marie de la Mennais, organise deux retraites pour les ecclésiastiques, la première en août et la seconde en septembre. Le Vicaire capitulaire en profite pour attirer l’attention des prêtres sur le projet Carnot, élaboré durant les Cent jours et prônant la méthode lancastérienne. Il met en garde contre les dangers de la méthode et les arrière-pensées des concepteurs (Doc 164, p 556).

Déjà, le 16 juin, dans une lettre au curé de Saint-Servan, Jean-Marie de la Mennais écrivait : « La méthode elle-même est vicieuse : les enfants sont dans un perpétuel mouvement. […] On vante beaucoup la rapidité avec laquelle les enfants apprennent ce qu’ils montrent les uns aux autres […] mais [leur] éducation morale est-elle finie ? ». Et en août, au cours d’une visite dans le Trégor, il réunit les membres du Comité de l’Instruction primaire de Lannion et les met en garde contre la méthode lancastérienne et l’ouverture d’une école mutuelle à Lannion (L 629).

Deux ans plus tard, le Père développera dans sa brochure sur l’Enseignement Mutuel toutes les limites et les vrais dangers de la méthode prônée par le gouvernement. Tout cela, il l’avait déjà entrevu en 1817.

Ces deux retraites sont aussi l’occasion pour les Vicaires capitulaires de demander la rétraction officielle des prêtres constitutionnels. Tous, sauf un, le curé-doyen de Paimpol, accepteront la régularisation de leur situation, scellant ainsi l’unité des prêtres du diocèse.


JUILLET 1817 : Signature d’un nouveau Concordat

Tombe de Mgr Cafarelli, St-Brieuc

Le 11 juin 1817, après trois années de pourparlers entre l’ambassadeur de France à Rome et le cardinal Consalvi, aux noms de Louis XVIII et de Pie VII, un nouveau concordat est signé. Il abroge celui de 1801 et revient aux principales dispositions du Concordat de 1516 avec, cependant, quelques restrictions.

Ce Concordat prévoyait 72 diocèses dont le rétablissement de celui de Saint-Malo. N’ayant pas été validé, il n’est jamais entré en vigueur et la France est donc restée sous le régime du Concordat de 1801 jusqu’à la loi de séparation de 1905.

Le 11 octobre, la liste définitive des évêques nommés aux postes vacants était connue. Mgr Groing de la Romagère est nommé à Saint-Brieuc, mais il ne prendra possession de ses fonctions que le 15 novembre 1819.

Devant l’imminence de la nomination du nouvel évêque, les vicaires capitulaires sursoient à un certain nombre de décisions.

Cf CGI, L607, 610, 611.


Début juin 1817 : deuxième rencontre entre Gabriel Deshayes et Jean-Marie de la Mennais

Fin mai ou début juin 1817 (la Correspondance Générale de Jean-Marie de la Mennais comporte un vide entre le 4 et le 11 juin), M. de la Mennais se déplace dans le Morbihan et voit, entre autres, M. Deshayes en recherche de trois aspirants pour le noviciat des Frères des Écoles chrétiennes, condition indispensable pour la venue des Frères à Saint-Brieuc.

Une lettre de l’abbé Tresvaux, récemment nommé par le Vicaire capitulaire à la cure de la Roche-Derrien, confirme ce passage. Le 15 juin 1817, il écrivait à M. de la Mennais : « J’ai fait, il y huit jours, le voyage de Sainte-Anne (d’Auray) et de Vannes… J’ai été enchanté de la charité de MM. les ecclésiastiques que j’ai rencontrés. Ils ne vous ont pas oublié et le supérieur de

Sainte-Anne m’a chargé de vous dire qu’il serait très aise que vous voulussiez bien réitérer vos visites. »

Cette visite rendue à Gabriel Deshayes montre bien l’intérêt que M. de la Mennais portait à la venue des Frères des Écoles chrétiennes à Saint-Brieuc.

Les trois sujets demandés par les Frères des Écoles chrétiennes entrent au noviciat, le premier en juillet, les deux autres en septembre. (CG II, L743).

Cf Laveille I, p 181, Études Mennaisiennes n°5, p 38.


10 MAI 1817 : Première rencontre entre Jean-Marie de la Mennais et Gabriel Deshayes

Rue Saint-Gilles, Saint-Brieuc

Le 10 mai 1817, Gabriel Deshayes apostille une lettre de Jean-Marie de la Mennais au frère Gerbaud, supérieur général des Frères des Écoles chrétiennes, en ces termes : «  M. de la Mennais me prie de me joindre à lui pour vous engager à accorder à la ville de Saint-Brieuc un établissement de vos frères. C’est avec le plus grand plaisir que je me rends à son invitation… »

Cette date situe la première rencontre de nos deux fondateurs. D’après le frère Célestin-Paul Cueff (EM N°5), le curé d’Auray, Gabriel Deshayes, vicaire général de Vannes et l’abbé de La Mennais, vicaire capitulaire de Saint-Brieuc, se connaissaient de réputation, ne serait-ce que par la Presse, en particulier « L’ami de la religion » qui avait publié le 1er juin 1816 un article consacré aux œuvres de charité du curé d’Auray.

Mais que venait faire Gabriel Deshayes à Saint-Brieuc, le 10 mai 1817 ? Le frère Augustin Auvray affirme : « Les deux fondateurs se sont écrit et M. Deshayes s’est transporté à Saint-Brieuc pour communiquer sa pensée à M. de la Mennais […] C’était en 1817. » Et le journaliste Louis de Kergorlay, suite à  son entretien avec Jean-Marie de la Mennais en 1849, affirme : « Ayant eu notion des travaux de l’administrateur du diocèse de Saint-Brieuc dont il était inconnu, (M. Deshayes) vint spontanément le trouver. »

Faute d’autres explications, on doit accueillir ces témoignages, et y reconnaître certainement le doigt de la Providence qui a favorisé cette rencontre si capitale pour les débuts de notre Congrégation.

Cf Études Mennaisiennes 5, p 36-37 ; Correspondance Générale I, L 579,p 522.

BICENTENAIRE DE LA CONGREGATION


 


Deux dates importantes, deux événements fondateurs :

  • 6 juin 1819 : Signature du Traité d’Union par Jean-Marie de La Mennais et Gabriel Deshayes
  • 9-20 septembre 1820 : Grande retraite commune d’Auray en présence de nos deux fondateurs.

Le 6 juin 2019, nous célébrerons le 200ème anniversaire de la signature du « Traité d’Union » de nos fondateurs.

En septembre 2020, ce sera la célébration du 200ème anniversaire de la 1ère retraite de nos premiers Frères en présence des deux fondateurs. À cette occasion ils reçurent la première Règle, la soutane, le crucifix, le nom : Frères de l’Instruction Chrétienne, et la devise : Dieu Seul.

Nous avons décidé de célébrer cet événement en rendant grâce pour le passé de notre Congrégation qui, malgré les épreuves, n’a cessé de donner le témoignage de Frères réunis à la suite de Jésus, pour l’éducation des petits et des pauvres.
Nous célébrerons aussi cet anniversaire avec un nouvel esprit missionnaire. C’est pourquoi nous avons choisi le slogan : « Une nouvelle page ». Nous souhaitons que cette célébration soit l’occasion d’écouter les appels de l’Esprit et de partir sur de nouveaux terrains de mission.


 CALENDRIER DU BICENTENAIRE :

6 juin 2017 :

Lancement de la 1ère année, avec le thème : Discerner ensemble. Nous chercherons à suivre nos deux fondateurs qui ont cherché, chacun de son côté, à répondre aux appels de Dieu, mais qui ont décidé de le faire ensemble lorsqu’il leur est apparu que Dieu le leur demandait. Cette première année nous préparera directement au Chapitre général de mars 2018.

6 juin 2018 :

Lancement de la 2ème année, avec le thème : Appeler des disciples. Nous porterons cette question fondamentale : de quels disciples avons-nous besoin, et pour quelle mission ?

6 juin 2019 :

Lancement de l’année du bicentenaire, avec le thème : Partir pour la mission. Cette année s’achèvera le 20 septembre 2020, anniversaire de la clôture de la retraite d’Auray. Nous chercherons donc à nous laisser entraîner sur les chemins du monde, à l’appel de l’Esprit.

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